Le tourisme de mémoire, ça vous parle? Le circuit du souvenir dans la Somme permet de découvrir les sites importants de la Première Guerre mondiale et de rendre hommage aux millions de soldats du monde entier qui ont combattu sur le sol français. Situé sur la ligne de front, ce département de Picardie a été particulièrement marqué par la Grande Guerre, avec notamment la terrible bataille de la Somme qui a fait plus d’un million de morts en 1916. La particularité de cet affrontement, à la différence du duel franco-allemand de Verdun, est qu’il fût international, avec la participation de soldats d’une trentaine de nations.

Entre les villes de Péronne, Albert et Amiens, le circuit du souvenir est jalonné de monuments commémoratifs, de musées, de cimetières militaires et de vestiges des champs de bataille. J’en ai visité une dizaine au total, sur la quinzaine qui forment l’itinéraire. Un voyage riche en émotions à la découverte d’une période tragique de notre histoire, dont le souvenir est essentiel pour ne pas reproduire les mêmes erreurs… Ces lieux de destruction sont aujourd’hui devenus des lieux de recueillement, d’enseignement et de réconciliation, pour ne plus jamais voir pareille hécatombe. La compréhension du passé est nécessaire pour construire un avenir dans la paix et la compréhension entre les peuples.

1/ L’Historial de la Grande Guerre à Péronne

Péronne est un excellent point de départ pour débuter le circuit du souvenir. C’est là qu’est installé l’Historial de la Grande Guerre, un superbe musée dont le nom provient de l’association entre “histoire” et “mémorial”. Son objectif est d’aborder la Première Guerre mondiale dans toutes ses dimensions, à la fois stratégiques et militaires mais aussi sociales et culturelles, comme la vie quotidienne sur le front et dans les tranchées et l’impact du conflit sur les sociétés. Il croise les visions des trois principaux pays européens combattants: la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne.

L’Historial est installé dans le château de Péronne, un édifice médiéval du XIIIème siècle, assiégé pendant la Grande Guerre. Une partie contemporaine a été ajoutée derrière le château pour accueillir les collections d’exposition: un bâtiment blanc créé par l’architecte Henri-Edouard Ciriani. Après la visite, prenez un moment pour faire le tour de l’étang du Cam, un superbe écrin de verdure où les reflets de l’Historial sont très photogéniques. Un lieu idéal pour faire une pause nature ou pique-nique si la météo s’y prête.

En introduction à la visite du musée, un film documentaire de 20 minutes retrace l’histoire de la Grande Guerre, bien utile pour rafraîchir ses connaissances. La scénographie de l’Historial favorise la proximité et l’émotion, avec notamment les tenues des soldats et leurs objets de vie quotidienne qui sont présentés au sol, dans des “fosses ouvertes”. Un musée de référence pour comprendre l’histoire du premier conflit mondial et ses conséquences humaines et sociales.

2/ L’Historial de la Grande Guerre à Thiepval et le mémorial

L’Historial de la Grande Guerre est en fait constitué de deux musées différents: le premier à Péronne et le deuxième à Thiepval, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest. N’allez pas directement de l’un à l’autre car il y a de nombreux sites du circuit du souvenir entre les deux, mais en tout cas les deux sont assez complémentaires (il existe un billet d’entrée groupé pour les deux visites). Le musée de Thiepval est consacré plus spécifiquement à la bataille de la Somme, qui fit rage entre juillet et novembre 1916, occasionnant la mort de plus d’un million de combattants (environ 420.000 Britanniques et alliés du Commonwealth, 203.000 Français et 430.000 Allemands). Son point d’intérêt majeur, c’est un immense panorama du premier jour des affrontements, le 1er juillet 1916, réalisé par l’auteur de bandes dessinées Joe Sacco. Inspirée de la tapisserie de Bayeux, cette fresque place le visiteur en spectateur du champ de bataille et permet de s’immerger dans la réalité du conflit.

Bien avant l’ouverture du deuxième musée de l’Historial (en 2016), Thiepval est l’un des plus importants monuments commémoratifs de la Première Guerre mondiale. Édifié en 1932, il est dédié aux armées franco-britanniques et aux 72.000 soldats Britanniques morts dans la Somme et dont le corps n’a jamais été retrouvé. Leurs noms sont gravés sur cet imposant et spectaculaire arc de triomphe de 45m de haut. Le mémorial était sous les échafaudages lors de mon voyage, mais les travaux ont pris fin en 2022.

Aux pieds du mémorial, se trouve un cimetière où reposent 300 soldats français et 300 soldats des forces du Commonwealth. Il est situé à l’emplacement même de la ligne de front le 1er juillet 1916, le premier jour de l’offensive franco-britannique de la bataille de la Somme.

3/ Le musée Somme 1916 à Albert

Le musée Somme 1916 a été un de mes coups de cœur sur le circuit du souvenir. Il est situé dans la ville d’Albert, sous la Basilique Notre-Dame de Brebières, dans un ancien abri anti-aérien utilisé par la population civile lors de la Seconde Guerre mondiale. A travers un souterrain de 250m de long et à 10m de profondeur, on découvre la vie des soldats dans les tranchées avec des reconstitutions de scènes très réalistes.

Le musée expose de très riches collections d’objets, de matériel militaire, des armes, des souvenirs de soldats. Une vraie immersion dans la réalité que fût la guerre. Avant la visite, pensez à télécharger l’application Musée Somme 1916 – Albert, qui donne plein d’infos pour découvrir le site en autonomie (il faut le faire avant de descendre dans le souterrain, car après il n’y a plus de réseau).

C’est possible aussi de commencer le circuit du souvenir par Albert avec le musée Somme 1916. C’est une bonne introduction pour comprendre la suite du parcours.

4/ Le cratère de Lochnagar à la Boisselle

Le cratère de Lochnagar, à la Boisselle, est un impressionnant vestige des affrontements. D’une profondeur de 21 mètres, pour 91 mètres de diamètre, il a été causé par des explosions de mines le 1er juillet 1916, le premier jour de la bataille de la Somme. L’objectif des forces franco-britanniques était de rompre la première ligne allemande.

Tout au long du cratère, des panneaux explicatifs rendent hommage aux soldats qui ont participé à la bataille. Une stèle a d’ailleurs été érigée en hommage aux femmes infirmières victimes des affrontements. Chaque 1er juillet une émouvante cérémonie du souvenir a lieu sur le site à 7h28, pour rappeler le début de la bataille de la Somme en ce même lieu à la même heure.

5/ Le mémorial terre-neuvien de Beaumont-Hamel

A Beaumont-Hamel, un mémorial commémore l’engagement des soldats de Terre-Neuve, au Canada. Il est matérialisé par une statue de leur animal symbole, le caribou, qui trône sur une butte surplombant le site d’un champ de bataille de la Somme. Le 1er juillet 1916, les hommes du régiment de Terre-Neuve ont été pris sous le feu des mitrailleuses allemandes à peine sortis des tranchées et une demi-heure plus tard, 86% des effectifs étaient morts ou blessés.

Le principal intérêt de ce site, c’est que les marques des tranchées et des impacts d’explosion ont été laissés intact depuis une centaine d’années. La nature a fait son œuvre, en comblant les trous petit à petit, mais on distingue encore nettement le suivi sinueux des tranchées. Elles étaient creusées de cette manière pour protéger les soldats des tirs en enfilade et de l’effet de souffle des explosions. En se promenant tranquillement sur cette grande aire naturelle, on a du mal à imaginer l’enfer qui a régné là cent ans plus tôt. Le parc s’étend sur une trentaine d’hectares et il faut compter environ 1h30 pour le découvrir et visiter le centre d’interprétation tenu par des guides canadiens très accueillants. C’est une visite particulièrement adaptée aux familles car les enfants peuvent bien se rendre compte de la réalité des tranchées d’un champ de bataille.

6/ La tour d’Ulster

Chaque nationalité (ou presque) qui a combattu dans la Somme dispose d’un monument commémoratif. Il faut d’ailleurs savoir que l’Etat français a concédé la possession des lieux aux pays combattants. Vous entrez donc en quelque sorte en territoire étranger. La tour d’Ulster, située à proximité de Thiepval, rend hommage aux soldats irlandais. A noter qu’à l’époque de la Première Guerre mondiale, l’Irlande n’était pas encore divisée en deux; la partition est intervenue en 1921 à l’issue d’une terrible guerre civile. L’architecture gothique de la tour est la copie d’une tour située près de Belfast, là où s’entrainaient les soldats d’Ulster. N’hésitez pas à rentrer à l’intérieur, qui ressemble à une petite chapelle avec de nombreux messages d’hommage déposés par les Irlandais de passage. Si la porte est fermée, allez demander à l’espace d’accueil situé juste derrière la tour.

7/ Le mémorial sud-africain de Longueval

Le mémorial en hommage aux soldats sud-africains est érigé au cœur du bois Delville, à Longueval, à l’endroit même où ils ont combattu du 15 au 20 juillet 1916 face aux forces allemandes. Ravagé par les combats, le bois fût replanté dans les années 1920 pour y accueillir le mémorial. Aujourd’hui c’est un superbe endroit empreint de calme et sérénité. Dans les années 80, un musée a été ajouté au site, pour commémorer les 25.000 volontaires sud-africains tombés au cours des deux guerres mondiales. La visite de ce musée est particulièrement intéressante car il explique bien le rôle des pays d’Afrique dans la Première Guerre mondiale, un aspect qu’on ne connait pas bien et qui n’est pas souvent évoqué.

8/ Le belvédère de Frise

Que diriez-vous d’une pause nature au milieu de toutes ces visites chargées en émotions et en souvenirs douloureux ? La Somme est un département qui recèle de très beaux paysages, notamment le long de la rivière du même nom. Notez sur votre parcours une étape au belvédère de Frise. Il ne fait pas à proprement parler partie du circuit du souvenir, mais je trouve ça dommage de ne pas y passer. La vue sur la vallée de la Somme y est sublime! Si vous avez envie de partir à pied pour une petite randonnée, suivez le parcours “sur les pas de Blaise Cendrars”, qui forme une boucle de 8km, au départ du belvédère. Le poète et écrivain s’était engagé dans la Légion étrangère et il a combattu à Frise entre 1914 et 1915. Le relief chaotique de la randonnée témoigne de la violence des bombardements de l’époque.

9/ Le mémorial australien et le centre Sir John Monash à Villers-Bretonneux

Comme les autres pays du Commonwealth, l’Australie s’est engagée aux côtés de la Grande-Bretagne dans la Première Guerre mondiale. Ses deux batailles les plus importantes dans la Somme ont été celle de Pozières, en juillet 1916 avec un terrible bilan de plus de 15.000 morts, et celle de Villers-Bretonneux en avril 1918, où elle a réussi à stopper l’armée allemande évitant ainsi la prise d’Amiens. C’est donc là qu’est installé le mémorial national australien ainsi que le Centre Sir John Monash, un musée qui retrace l’expérience australienne lors du conflit sur le front occidental. Sir John Monash est le nom du général qui mena les forces australiennes en 1918.

Ce musée moderne est vraiment très bien fait. Son intérêt dépasse d’ailleurs largement la thématique de l’engagement des forces australiennes car il aborde le conflit sur de très nombreux aspects. Sa grande force, ce sont les nombreux films d’époque et les contenus multimedias. On peut y voir notamment un film documentaire très réaliste sur la guerre avec des écrans en trois dimensions et des effets sonores et visuels (attention, pour les jeunes enfants et les personnes sensibles, les images peuvent être choquantes).

Même si l’angle des forces australiennes vous semble un trop spécifique, ne manquez pas cette visite, car c’est un des meilleurs musées sur la Première Guerre mondiale, avec ceux de Péronne et Albert cités précédemment, chacun dans un style différent et complémentaire. En plus, l’entrée est gratuite. N’oubliez pas de monter au sommet de la tour du mémorial pour avoir une superbe vue sur la campagne environnante jusqu’à Amiens.

10/ La cité souterraine de Naours

La cité souterraine de Naours est un site vraiment atypique le long du circuit de la mémoire dans la Somme. A l’origine, c’est un vaste réseau de souterrains, utilisé d’abord comme carrières, puis comme refuge pour les habitants en cas de guerre depuis le XVIIème siècle. Des fouilles archéologiques récentes y ont dévoilé plus de 3000 graffitis réalisés par des soldats de la Grande Guerre. On aurait pu penser que ces traces avaient été laissées par des combattants venus s’abriter des bombardements, mais il n’en est rien. Naours faisait en fait partie des visites touristiques proposées aux soldats à l’arrière-front pendant leurs périodes de repos. C’est un sujet assez méconnu, celui des loisirs des armées pendant leurs périodes de permission. Il concerne de nombreux soldats australiens, car pour eux, il était impossible de rentrer au pays, alors que les Français ou les Britanniques pouvaient le faire.

C’est vraiment très émouvant de découvrir toutes ces inscriptions laissées par des soldats pendant la guerre. Naours a ouvert en 2020 un espace d’exposition consacré à ces soldats voyageurs, qu’on peut visiter après les souterrains. De considérables recherches historiques ont été réalisées pour identifier ceux qui ont écrit des graffitis et remonter le fil de leur histoire personnelle. De nombreux récits de vie sont racontés sur des panneaux, qui nous permettent de mettre un vrai visage sur tous ces combattants au destin si singulier. Je crois que j’aurais pu passer des heures à lire tous ces parcours, du plus ordinaire au plus extraordinaire. Beaucoup plus que dans les mémoriaux, où l’on doit souvent se contenter de listes de noms de disparus, à Naours on découvre des histoires individuelles hors du commun.

11/ Le centre d’interprétation Vignacourt 14-18

Pendant la guerre, Vignacourt était une base logistique à l’arrière-front, notamment pour l’armée britannique et ses alliés. Un couple d’agriculteurs, Louis et Antoinette Thuillier, passionnés de photographie, se sont mis à tirer le portrait des soldats de passage, venus se reposer leurs de périodes de permissions. Aujourd’hui, leur ancienne ferme a été transformée en centre d’interprétation On peut y visiter une exposition photo exceptionnelle qui raconte la vie d’arrière front, un autre regard sur la guerre. Comme à Naours, des historiens ont fait des recherches pour réussir à identifier les soldats immortalisés sur les photos. Encore des récits de vie passionnants à découvrir, pour comprendre encore mieux la réalité qu’on vécut les protagonistes du conflit.

Circuit du souvenir – carnet pratique

Pour préparer votre séjour dans la Somme sur les traces de la Première Guerre mondiale, je vous invite à consulter les informations sur le circuit du souvenir, sur le site de l’office du tourisme dans la Somme. Pour voir l’ensemble des sites mentionnés dans cet article, il faut prévoir deux ou trois jours. Mais vous pouvez aussi faire une sélection sur une journée en fonction de vos centres d’intérêts. Ces sites sont facilement accessibles depuis la ville d’Amiens (avec une voiture) et forment un bon complément à un séjour city-trip dans la capitale de la Picardie. A lire aussi: mon article sur Que faire à Amiens.

Visites guidées. Si vous souhaitez faire appel à un guide spécialiste des champs de bataille, contactez Sylvestre Bresson, de l’agence Terres de mémoire. Il pourra vous proposer une formule personnalisée en fonction de vos souhaits de visite.

Où dormir. Vous trouverez plusieurs offres d’hébergements dans les deux principales villes du parcours: Péronne et Albert. A Albert, le meilleur choix c’est le Logis Hotel de la Basilique, juste en face de la basilique et du musée de la bataille de la Somme. A Péronne, je vous conseille le Best Western Hotel Saint-Claude.

Vous pouvez également choisir un logement en chambre d’hôte dans un village. Pour ma part, j’ai passé deux nuits au Clos du Clocher, une très agréable maison d’hôte en plein cœur du circuit du souvenir, à Gueudecourt. Vous pouvez profiter du grand jardin et passer un moment de détente dans le jacuzzi après une journée de visite.

Où manger. De même que pour les hébergements, pour la restauration, c’est à Péronne et Albert que vous trouverez le plus d’options. A Péronne, je vous conseille le Bistrot d’Antoine, juste en face de l’historial, et à Albert, la Basilique, juste en face du musée Somme 1916.

J’espère que cet article vous aura donné envie de partir à la découverte de ces lieux de mémoire. Une forme de tourisme nécessaire pour mieux comprendre notre histoire et rendre hommage aux soldats qui ont combattu lors de ce terrible conflit. On mesure ainsi la chance d’être né à notre époque et l’importance de prôner la paix et la bonne entente entre les peuples. Si vous avez visité d’autres lieux de mémoire en France, n’hésitez pas à faire part de votre expérience en commentaire.

Voyage réalisé en partenariat avec Somme Tourisme. Je n’en reste pas moins libre du contenu et des opinions de cet article.

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2 commentaires pour “Le circuit du souvenir dans la Somme: voyage sur les traces de la Grande Guerre”



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