Réveil sous la tente ce vendredi 3 juillet à Arras. Les yeux embrumés d’une courte nuit. Faut dire que les campings de festivals, c’est un peu le chambard généralisé jusqu’à 4 ou 5 heures du mat… Alors dur dur de bien fermer les yeux. Et pas question de faire la grasse mat’. Aujourd’hui, direction Rock-Werchter, le plus gros festival de musique de Belgique, où se produisent ce soir mes Coldplay préférés. Question kilomètres, c’est pas super loin, 180 au total. Mais il faut d’abord passer par Lille, puis ensuite par Bruxelles, avant d’arriver enfin à Werchter, un petit bled en pleine campagne flamande, à 30 bornes de la capitale.
Préparation de notre pancarte Bruxelles (Lille, on l’a déjà), démontage de la
tente et hop c’est parti !! Notre point de départ est facile à trouver. Juste à la sortie d’Arras, un gros rond point, avec direction Lille. Juste le temps de se prendre en photos sous toutes les coutures, une voiture s’arrête déjà. Deux jeunes en route pour Lille. On embarque. Il est à peine midi, l’auto-stop s’annonce facile aujourd’hui, on se voit déjà à Bruxelles en début d’après-midi… En plus, deux mecs trop sympas. Michel et Maxime, artisans et compagnons du tour de France. Pendant sept ans, ils doivent effectuer leur apprentissage, avec des missions un peu partout dans le pays. Et Maxime a vécu quinze ans au Burkina-Faso. Des voyageurs, et nous on aime bien ça. Car c’est ça aussi le plaisir de l’auto-stop. Les bonnes rencontres au détour d’un rond-point. On ne voit pas le temps passer, et on est déjà Lille.
Bon, pour la suite, je la fais courte, mais en fait, on a mis dix plombes pour réussir à rallier Werchter. Près d’une heure de poireautage à Lille pour finir par être embarquée par des ouvriers dans une camionette, mais qui au final, nous ont éloigné de l’axe Lille-Bruxelles… Puis quatre bagnoles pour atteindre la capitale belge. Dont une sorte de méga pick-up tout pourri mais complètement génial, à moitié couchées à l’arrière sur une sorte de banquette dans le coffre car y avait pas de siège, un grand blond aux cheveux longs méga cannon au volant, genre aventurier baroudeur baba-cool… Avec ses deux gosses en train de boulloter des chips un peu partout… Il nous dépose sur une bretelle d’accès du Ring, le périphérique de Bruxelles. Et là, il nous faudra encore deux voitures pour atteindre Werchter…
Pffff… Epuisées… Huit bagnoles, sept heures de voyage, tout ça pour faire 180 malheureux
kilomètres. Et là, il faut qu’on s’installe au camping, qu’on monte la tente, et qu’on trouve nos billets gratuits… Ah, c’est pas de tout repos l’Euro Colplay Tour… Et on fait nos premiers pas dans l’enceinte du festival… Mais c’est gigantesque, énorme!! Renseignements pris, y a 90.000 personnes qui sont là. Une dizaine de camping répartis sur tout le site. Une vraie usine. Et la mauvaise nouvelle quand on apprend les tarifs: 22 euros par personnes, soit 44 pour nous deux, tout ça pour avoir le droit de poser sa tente, de dormir par terre, et d’avoir accès à des douches, dans un autre camping, à 15 minutes à pied… Hichhhh… Quelle arnaque! Mais bon, on n’a pas le choix, on va tout de même pas dormir dans un fourré, et puis il faut un endroit pour poser nos sacs.
Sur le chemin (15 minutes à pied aussi entre la billetterie et notre camping), on en profite
pour se prendre une bonne pizza bien méritée après toutes ces périgrinations. Mec du stand très sympa. On en profite pour tchatcher un peu et lui raconter un peu nos petites aventures. Et notre énervement de devoir payer aussi cher pour dormir dehors… Et là, trop cool, il nous propose de crécher dans son stand!! Alors c’est spartiate hein, l’idée c’est de laisser nos sacs dans un coin et de dormir par terre sur le plancher. Mais tout ça pour la modique somme de zéro euro, alors nous ça nous arange bien!! Encore faut-il pouvoir se faire rembourser le camping… Aussitôt dit, aussitôt fait, le mec au guichet très cool, nous rend notre argent sans discuter. Et nous voilà donc avec un toit original pour dormir, le stand à pizzas, sandwich et journaux de Vincent… Pour un peu, on se croirait dans Pékin-Express dis-donc…
Et reste plus qu’à trouver nos billets… Prévoyante, j’ai demandé à l’un de nos chauffeurs en stop de me traduire ma pancarte fétiche « Cherche une plage gratos en échange d’un
sourire ». Et en néerlandais, ça donne « Ik zoek een gratis kaart voor een glimlach »… Et oui, Werchter est en pleine région flamande, et ici, la langue, c’est le néerlandais.
C’est pas comme chez les Wallons, au sud de la Belgique, qui eux parlent français, ou à Bruxelles, sorte d’enclave francophone au milieu des Flamands. Bon, bien sûr, tous les Flamands parlent anglais, mais je me dis qu’en abordant les gens dans leur langue, je maximise sur le côté « capital sympathie ».
Et nous voilà parties en reconnaissance dans cet immense complexe. On a aussi
prévu nos tee-shirt « Coldplay local crew »… On sait jamais, qui sait, ça peut marcher, se faire passer pour des membres du staff de Coldplay… Pas loin de 21 h déjà, mais la bande
de Chris Martin est annoncée à 23h, ce qui nous laisse deux petites heures. Dégoutée quand même quand j’entends les premières notes des Killers, autre de mes groupes fétiches, qui jouent juste avant Coldplay. « Somebody told me » ou « Mr Brightside » résonnent bien dans nos oreilles, de derrière les pallissades, mais c’est quand même pas pareil que d’être à l’intérieur.
Première difficulté: aucun revendeur de billets devant l’entrée. D’habitude, c’est un bon filon, d’essayer d’attendrir ceux qui tentent de revendre leurs billets en trop, mais là, y en a aucun. En fait, pour ça, on arrive beaucoup trop tard. On l’apprendra après, ceux qui revendent des billets le font en fin de matinée, bien avant le début des premiers concerts qui démarrent en début d’après-midi. Et en plus, ils le font beaucoup plus discrètement qu’en France, parce qu’ici, c’est interdit… Enfin, en France aussi, théoriquement c’est interdit, mais tout le monde le fait sans aucun problème, même sous le nez des flics qui disent jamais rien. Mais ici, en Belgique flamande, quand quelquechose est interdit, c’est vraiment INTERDIT. Les règles, c’est les règles… Et on va en faire l’amère expérience d’ailleurs.
Personne n’ayant de billet en trop à proposer, on tente différentes approches aux différentes entrées. « Hii… is it possible to enter free please ?? We don’t have any tickets… We came from Paris by hitch-hiking… » « No, not possible », « No, not possible ». A une entrée de derrière, qui débouche sur une zone technique. Là, on a enfilé nos tee-shirts
« Coldplay local crew » et on fait mine de passer l’air de rien, genre on bosse ici quoi… « Hey, were are you going?? » « But we’re from the staff »…. Mmmm, ben non, là ça marche pas non plus. Sur un parking, en passant discrètement derrière les voitures, on essaye de trouver un endroit pour passer sous le grillage… Mais un type de la sécurité nous
suit de loin sur son quad, il nous a dans son collimateur… Faut dire qu’il y a un nombre de vigiles complètement hallucinant. Pas un morceau de palissade ou de grillage qui ne soit laissé sans surveillance. C’est Fort Knox ici. Et pas moyen non plus d’amadouer qui que ce soit par notre tchatche légendaire… Ah, c’était quand même plus facile à Arras. Ou à Paris, ou à Cannes… Enfin en France quoi, où notre culture latine laisse plus de place aux « petits arrangements avec les règles » ou à la négociation…
Enfer et damnation. A 23h on est toujours coincées dehors quand résonnent les première notes de « Life in Technicolor ». Résignées et fatiguées, on s’installe à l’entrée du public, juste devant… une grosse poubelle… Au moins, on peut profiter de la musique, on entend aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur, puisqu’à peine une quinzaine de mètres nous sépare du public, de l’autre côté des deux barrières de sécurité. Quand à voir l’écran géant,
c’est plus compliqué. Il faut se tortiller un peu le long de la fameuse poubelle. Mais quand aucun vigile de sécurité n’a la mauvaise idée de se planter pile devant nous, on arrive à distinguer les traits du blondissime Chris Martin. Et oui, c’est ça le risque de se pointer un peu à l’arrache et sans billet. Des fois, ça marche pas. On a grave les boules quand même, mais ça nous empêche pas de hurler à tue-tête « Ohohohohoohohohoh… Ohohohohohohohoh », sur le refrain de « Viva la Vida ». Coldplay, ça reste magique, même derrière une poubelle…