Dans le pays du Dieu Maradona, quel plus beau défi que de réussir à décrocher un billet gratos pour un match de foot ? Première étape: trouver quel match… Pas vraiment spécialiste du football argentin, c’est mon Lonely Planet qui m’aiguille dans mes recherches. Au chapitre « assister à un match de football », le voilà qui parle du Superclasico, qui oppose périodiquement les deux plus grosses équipes du pays, Boca Juniors et River Plate. « Considéré par certains comme le plus grand événement sportif, celui qu’il faut avoir vécu avant de mourir »…dixit le Lonely!! Ben le voilà mon match!! Un petit coup de Google et bonne surprise: il y a justement un Superclasico à Mendoza le 24 janvier. Facile à goupiller par rapport à mon parcours en Argentine. Après Ushuaïa, El Calafate, El Chalten, puis Bariloche, me voilà donc à Mendoza, à mi-chemin entre le Nord et le Sud du pays, ville mondialement réputée pour ses domaines viticoles… Ca tombe bien, je vais pouvoir concilier football et dégustations de vins argentins!!

Mendoza, ses larges avenues rectilignes bordées de platanes, son thermomètre qui frise les 40°C… Pfffff, j’en regretterai presque l’air frais revigorant de l’Antarctique. En balade en cette fin de matinée du 24 janvier, j’aperçois au loin un attroupement de maillots bleus derrière des barrières de sécurité. Ce serait-y pas des supporters de Boca Juniors ça ? J’ai quand même potassé les couleurs des maillots: bleu et jaune pour Boca, rouge et blanc pour River. Massés devant un grand hôtel, ils espèrent apercevoir leurs joueurs préférés. J’en profite pour engager la discussion. On sait jamais, y a peut-être des billets en trop qui traînent par ici… Bon, finalement pas de billets, mais des supporteurs bien sympathiques (photo en-dessous)…

Argentine 3491

Les choses sérieuses, c’est pour le début de la soirée, aux abords du stade Malvinas de Mendoza. Drapeaux à la main, les supporteurs affluent de toutes part, s’invectivant à cœur-joie lorsqu’ils croisent des groupes du camp adverse. Et très vite, je me retrouve devant un choix cornélien. Bien avant le stade, les flics délimitent deux passages: tout droit c’est pour les supporteurs de Boca, et à gauche, pour ceux de River. Je dois donc choisir dans quel camp chercher mon billet. « Mais je suis Française, je suis impartiale, comment choisir une équipe ? »… je tente d’expliquer aux flics justement… « Mais non, impartiale, c’est pas possible », me répondent-ils… « Bon, et vous, vous êtes pour qui ? » « Boca Juniors »… Bon, et bien ce sera Boca Juniors… En plus, ça tombe bien, j’ai déjà endossé leur maillot ce matin avec les supporteurs rencontrés devant l’hôtel.

Bien équipée de ma belle pancarte « Una chica francesa quiere una entrada gratis a cambio de su sonrisa » (la même que je trimballe depuis Santiago pour The Killers), je commence à aborder quelques groupes de supporteurs. Les premiers, ça les fait plutôt marrer, et ils sont contents de me prendre en photo. Mais aucun n’a de billet. Je tente alors ma chance auprès des revendeurs au black. Pas grand-succès non plus. L’un d’entre eux me fait lambiner pendant trois plombes en m’assurant que s’il n’arrive pas à revendre tous ses billets, il m’en donnera un… Mais c’est du bluff. Il arrête pas de revenir à la charge pour que je lui achète et je sens qu’il me fait poireauter pour rien.

Je m’approche de plus en plus du stade, et toujours rien…. J’ai du mal à comprendre comment marche la revente des billets ici…En France, ou en Grande-Bretagne également, il y a toujours plein de particuliers qui tentent de revendre eux même leurs billets, sans passer par un revendeur. Mais ici, j’en vois aucun. Et pas moyen non plus d’intercepter une transaction entre ces fameux particuliers et les revendeurs. Comme il y a pas mal de flics, ils doivent peut-être se planquer quelque part, mais je n’arrive pas à comprendre où. Et mon espagnol balbutiant me rend la tâche encore plus difficile. Quand j’aborde des groupes, j’ai parfois du mal à comprendre si je les fais marrer ou s’ils sont tout simplement en train de se foutre de ma gueule. L’heure du match approche, la nuit est tombée, et l’ambiance devient plus tendue. Chaque groupe a fait provision de bières et de Fernet-Cola (mélange entre le Fernet, alcool hyper amer qu’adorent les Argentins, et Coca-Cola) et les esprits commencent à s’échauffer.

Je tente une nouvelle fois ma chance auprès d’un groupe. Une vingtaine de mecs, une nana, plusieurs bouteilles de Fernet-Cola… Et là, coup de chance, un jeune l’air sympathique à casquette blanche me propose un billet!! J’y croyais plus, et voilà que je viens de le trouver. Sans prendre le temps de l’examiner plus que ça, je le fourre rapidement dans mon sac et tente de faire connaissance avec mes « nouveaux amis ». Mais pas évident de s’immiscer dans un groupe, surtout quand on ne maîtrise pas la langue. Ils parlent à toute vitesse et je comprends strictement rien à ce qu’ils me disent.

On s’approche petit à petit du stade. J’ai toujours pas « ma photo souvenir » de mon « généreux donateur de billet gratuit » avec ma pancarte, alors quand un des mecs du
groupe me demande si j’ai un appareil photo pour qu’il me puisse me prendre devant le stade, je n’hésite pas une seconde. Confiante, je lui tends mon appareil. Toute absorbée par la recherche du meilleur point de vue pour prendre la photo, je le perds de vue quelques secondes. Le temps de me retourner, et je ne le vois plus. J’écarquille les yeux dans la foule qui se presse aux abords du stade. Mais où est-il passé ? Volatilisé… Comme le reste du groupe d’ailleurs… Pschit… Plus personne… Putain quelle conne!! Je viens de me faire avoir comme une débile!! Il s’est barré avec mon appareil photo et je me retrouve toute seule comme une idiote les bras ballants. Heureusement, ce n’était pas mon beau bridge Canon, mais mon petit Compact Fujifilm, acheté pas cher pour pouvoir le trimballer en concert ou en match, là où ça craint un peu justement… Mais quand même, je suis super énervée!! J’arpente dans tous les sens l’allée qui mène à l’entrée du stade, mais impossible de le retrouver. Il y a beaucoup trop de monde, il fait nuit, et tous les supporteurs portent le même tee-shirt bleu et jaune que mon voleur d’appareil photo…

Saisie d’un doute, je farfouille dans mon sac à la recherche de mon fameux « billet gratuit ». J’avais pas fait gaffe sur le moment, mais c’est vrai qu’il ressemble pas trop aux autres
billets qu’ont essayé de me vendre les revendeurs au black. Pas la même couleur et plus long. Bizarre, bizarre. Je m’approche d’un stadier pour lui montrer mon fameux ticket, et le verdict tombe: c’est un faux billet!! Impossible de rentrer avec dans le stade… Alors là, je me suis fait avoir sur toute la ligne… Plus d’appareil photo et un faux billet!!!! Heureusement tout de même que c’était un « faux billet gratuit »…

Du coup, je sais plus trop quoi faire. Aucune envie d’aborder les gens pour trouver un billet, je suis complètement dégoutée. Je tente toujours de remettre la main sur mon voleur, mais sans grande illusion… Il doit déjà être rentré dans le stade depuis belle lurette. Intrigué par mes allées-et-venues, un Argentin s’approche de moi pour me demander ce qui se passe.
« Ouuuuiiiin… je me suis fait voler mon appareil photo par quelqu’un qui ma refillé un faux billet… » Beau parleur, il assure pouvoir me faire rentrer dans le stade avec mon billet
de pacotille. Un peu sceptique, je tente quand même le coup de le suivre. Quitte à être venue jusqu’ici, autant le voir quand même ce putain de Superclasico… Mais bon, lui aussi m’a l’air d’être un entourloupeur de première et je ne lui accorde qu’une confiance très limitée. Il me demande à plusieurs reprises où se trouve mon hôtel (hors de question que je lui réponde tout de même…) alors je reste sur mes gardes et je m’agrippe bien à mon sac (dans lequel il n’y a plus rien à voler d’ailleurs, mise à part les quelques pesos dont j’ai besoin pour pouvoir me payer mon taxi du retour).

Arrivés devant l’entrée, il se poste juste devant moi, nos deux tickets à la main, le mien caché juste derrière le sien, espérant tromper la vigilance du stadier qui vérifie les billets. Pas de portillon à lecture électronique au stade Mendoza, alors on sait jamais, ça peut marcher… Mais le pot-aux-roses est découvert, mon faux billet est trop mal imité… Pour autant, mon « nouveau compagnon » ne se laisse pas abattre, et commence à parlementer avec le stadier. J’y comprends strictement rien, mais j’imagine qu’il lui raconte mes mésaventures de la soirée… Ou peut-être qu’il essaie de monter un bobard quelconque… Je sens qu’il commence à s’énerver et la discussion s’envenime rapidement. De mon côté, je reste prudemment à l’écart de tout ça, j’ai déjà eu ma part d’ennuis pour la soirée. Alertés par cette agitation, les flics s’approchent pour vérifier ce qui se passe, et le voilà en train de s’engueuler avec eux maintenant… Ahlala, mais quelle histoire. Mais je lui ai rien demandé en plus moi à ce type. Aucune envie d’être mêlée à tout ça, alors je reste dans mon coin, motus et bouche-cousue. Pour finir, mon « soi-disant ami », passablement énervé, rentre tout seul dans le stade, et pour ma part, je ne suis pas déçue de ne pas l’accompagner à l’intérieur…

Une fois le calme revenu, un des stadiers vient à ma rencontre pour tenter de comprendre ce qui se passe, me demande qui est ce mec qui voulait me faire rentrer. « Mais je ne le connais pas, je l’ai rencontré il y a cinq minutes, il essayait juste de me faire rentrer car je me suis fait voler mon appareil photo par un type qui m’a refilé un faux billet »… « Mais vous êtes toute seule ici ?? » m’interroge-t-il avec des grands yeux. « Oui, oui ». « Ah, mais il faut pas venir toute seule comme ça ici, c’est dangereux, muy peligroso, muy peligroso… » me répète-t-il, l’air attendri par mes mésaventures… « Bon allez c’est bon, vous pouvez passer », me dit-il, « mais faut faire attention, vraiment attention… » me met-il en garde. Et me voilà de l’autre côté de la barrière.

Mais j’ai pas vraiment le cœur à crier victoire. Je sais même plus trop si j’ai toujours envie de le voir ce Superclasico. Enfin bon, quitte à être là, autant essayer d’en profiter. « Le plus grand événement sportif, celui qu’il faut avoir vécu avant de mourir »…disait mon Lonely Planet… Alors allons-y!! Et le match vient juste de commencer.

Au moins, je suis rentrée par la bonne porte: pile en plein milieu des « populares » (gradins) de la Boca, là où se trouvent les supporteurs les plus passionnés. J’ai d’ailleurs
beaucoup de mal à atteindre les gradins tellement il y a de monde massé devant l’entrée. Je débouche dans l’arène juste en-dessous des drapeaux bleus et jaunes transversaux qui recouvrent une partie des spectateurs, tout à côté des grosses caisses. Je me faufile tant bien que mal pour tenter d’apercevoir le terrain. Mais ils ont vendu deux fois plus de billets que de places ou quoi ? Tout le monde est complètement agglutiné de partout, debout sur les sièges et debout là où on doit poser ses pieds normalement. Et chacun est collé contre l’épaule de son voisin. Et je parle même pas des mecs accrochés aux balustrades dans les escaliers (bonjour les mesures de sécurité…) Le match vient à peine de commencer et les supporteurs sont déjà chauffés à bloc, chantant et sautant avec énergie. Je me sens un peu incongrue avec mon débardeur noir et mon pantalon vert au milieu de tous ces mecs en maillot bleu et jaune. Quelques nanas quand même, mais le rapport est facile de 20 pour une nana. Et elles sont pas toutes seules elles…

« Dale (Allez..) dale dale Bo (Bo pour Boca), dale dale dale Bo, dale dale Boca »… Je reprends en choeur le refrain avec tout le monde… Par contre, pour les chants, c’est plus compliqué… J’ai pas été jusqu’à potasser les paroles à l’avance et j’y comprends pas grand-chose. J’ai quand même super les boules de plus avoir mon appareil photo!! J’aurais pu faire des vidéos sympas en plein milieu des supporteurs… Le meilleur, c’est quand tout le monde se met à sauter. Les gradins tremblent sous les pieds, et mieux vaut sauter en cadence avec tout le monde, sinon on se fait trop bousculer.

Peu après la trentième minute, et c’est Boca qui ouvre le score. GOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAL!!!!!! Alors là, c’est la furie dans les gradins. Tout le monde embrasse tout le monde et les fumigènes s’illuminent de toutes parts. L’euphorie dure jusqu’à la mi-temps.

Enfin la pause. Je crève de soif et je me mets à charger un truc à boire. Juste trois-quatre stands, et déjà une queue de malade. J’ai commis l’erreur d’aller d’abord aux toilettes, et
maintenant, tout le monde se bouscule férocement pour accéder au comptoir. De bric et de broc, le toit de l’un d’entre eux s’effondre d’ailleurs sous la violence de la poussée des supporteurs assoiffés. Pas très envie de me faire piétiner pour acheter une bouteille d’eau, alors je me dis qu’il suffit d’attendre tranquillement la reprise du match, et il n’y aura plus personne devant les stands. Grossière erreur. Avant même la fin de la mi-temps, les seuls trois stands ouverts sont déjà dévalisés et il n’y a plus rien à boire… J’ai plus qu’à me rabattre sur l’eau du robinet des toilettes…

La deuxième période vient doucher l’allégresse de ma tribune avec un but d’égalisation de River. Mais ça n’entame pas néanmoins la ferveur des supporteurs qui continuent d’encourager leur équipe avec conviction. Cependant rien n’y fait, et le score est de un but partout quand résonne le coup de sifflet final. Reste à départager les deux équipes aux tirs aux buts.

Mais depuis un moment, une question pratique me taraude: comment vais-je rentrer à mon hôtel ? Après mes mésaventures d’avant-match, je ne me sens pas super en sécurité. Dans les gradins, je capte de temps en temps des regards de travers de certains mecs et ça me met mal à l’aise. Si Boca Juniors perd le match, j’ai pas envie de devoir affronter l’agressivité de certains supporteurs. En plus, le stade est loin du centre-ville, en plein milieu d’un parc immense, et je le sens pas trop de rentrer à pied toute seule en pleine nuit (plus d’une heure de marche). Car si j’attends la fin du match et que tout le monde sort en même temps, ce sera impossible de trouver un taxi, ils seront tous pris d’assaut et ça risque d’être la galère… Je décide donc de m’éclipser au tout début de la séance de tirs aux buts. Et juste devant moi j’aperçois deux blondinets bien baraqués que j’entends parler anglais. Je n’hésite pas une seconde. « Euh, les mecs, ça vous dérange pas si je fais le chemin avec vous ? Je suis toute seule et j’ai un peu peur de rentrer… » Et voilà, j’ai trouvé deux chevaliers servants bien sympathiques avec qui je partage un taxi jusqu’à mon hôtel.

Ouf, je suis bien rentrée… Résultat: c’est River qui a remporté la bataille des tirs aux buts. Je me fais gentiment sermonner par le proprio de l’hôtel. « Mais faut pas aller voir un match de foot toute seule comme ça, c’est pas prudent… » Bon OK, c’est bon, j’ai retenu la leçon… Un match de foot qui m’a couté un appareil photo, ça fout un peu les boules. Mais, bon, ça n’est qu’un appareil photo, finalement, c’est pas si grave que ça… Mais du coup, j’ai aucune photo du match, et ça c’est vraiment dommage.. J’ai pas bien appréhendé le fait que le public qui assiste à un match de foot, c’est pas tout à fait le même que celui qui assiste à un concert de Coldplay ou U2. J’aurais du donc être un peu plus vigilante. Au moins, ça me servira de leçon pour la suite. Ma prochaine chasse au billet gratuit, ce sera pour un concert, pas pour un match de foot…

6 commentaires pour “Une chasse au billet gratuit qui tourne mal pour le Superclasico de football à Mendoza”


    • Sarah

      Répondre

      ouais, c’est clair que je suis plus très motivée pour tenter le coup du billet gratos pour un PSG-OM…


  1. Ah ben pourtant ça devait être faisable : il y avait toute une tribune de vide ! Après suffisait d’y aller avec un casque !!
    mais c bon pour l’avenir ça, plus personne voudra y aller, ils les donneront bientôt les places !!!


    • Sarah

      Répondre

      d’un côté, si les supporteurs du PSG (enfin certains…) pouvaient s’entre-tuer entre eux ça serait pas plus mal…


  2. Pas de pot. Mais bon comme tu dis ça reste juste du matos.
    J’ai fait le derby de Porto Alegre au Brésil, c’est juste de l’hystérie complète en sortant du match. Notre bus s’est fait caillassé par les supporteurs adverses tel un char israélien en Palestine. Assez surréaliste juste pour du foot.


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