C’est un voyage que j’avais depuis longtemps dans un coin de ma tête… Aller, ou rentrer du Japon sans prendre l’avion, en empruntant le transsibérien pour traverser la Russie, ainsi que le bateau pour rallier le Japon. Restait à attendre que la bonne occasion se présente. Ce fut chose faite à l’automne 2018. J’avais prévu un mois de voyage au Japon entre septembre et octobre. Pour la suite, j’étais libre de tout engagement et grâce à la Coupe du Monde de football à laquelle j’avais assisté, j’avais un visa multiples entrées pour la Russie valable jusque fin 2018. Banco! J’ai réservé mon billet de ferry de Sakaiminato jusqu’à Vladivostok, puis ensuite je rentrerai en train jusqu’à Moscou! C’est parti pour l’aventure…
Japon-Russie en bateau en bref
La traversée est réalisée par une compagnie de ferry sud-coréenne: DBS Cruise Ferry. Le bateau relie les villes de Sakaiminato au Japon, à Donghae en Corée du Sud, puis Vladivostok en Russie (idem dans l’autre sens). La durée du voyage est d’environ 40 heures, sous réserve des conditions météo. Le tarif est à partir de 265 dollars par personne (repas non compris). Plus d’infos dans le carnet pratique à la fin de l’article.
Un départ sous la menace d’un typhon
Ma date de départ était calée depuis plusieurs semaines déjà: le samedi 6 octobre depuis le port de Sakaiminato, dans la préfecture de Tottori, sur la côte Ouest du Japon. J’avais prévu d’arriver un jour plus tôt, le 5 octobre, histoire d’avoir un peu de temps pour découvrir les environs avant d’embarquer. Bien m’en a pris car le 3 octobre, je reçois, un email de la compagnie de ferry m’avertissant qu’en raison de l’arrivée imminente d’un typhon, le départ du bateau est avancé de 24 heures, au vendredi 5 octobre! Ciel! Heureusement que j’avais prévu de la marge et que je consulte mes emails tous les jours, car sinon j’aurais raté mon bateau… Il faut savoir que l’automne, c’est la saison des typhons au Japon. Ce sont bien sûr des événements impossibles à prévoir longtemps à l’avance et qui impactent fortement les conditions de navigation. En tout cas, c’est quelque-chose qu’il faut bien avoir en tête quand on décide d’entreprendre un tel voyage. La météo et la sécurité priment avant toute chose et peuvent occasionner des changements de programme.
J’embarque sans problème à bord du ferry, l’Eastern Dream en fin de journée. Il y a des navettes gratuites depuis la gare de train de Sakaiminato pour rejoindre l’embarcadère. J’apprends au moment de l’enregistrement au port que la traversée ne durera pas 40 heures comme prévu, mais 24 heures de plus. A cause du typhon, le bateau va rester à quai pendant 24 heures en Corée du Sud. Je vais donc devoir passer trois nuits à bord au lieu des deux prévues. J’accepte la nouvelle avec philosophie. De toutes manières, qui voudrait se retrouver en pleine mer lors du passage d’un typhon?
Je prends possession de ma cabine: assez spartiate avec deux lits simples et un lavabo, mais au moins j’ai mon intimité et je n’ai pas besoin de partager avec d’autres passagers. Toilettes et douches sont communs en revanche. Il y a toutes gammes de confort à bord, du dortoir jusqu’à la suite de luxe avec salle de bain privative. Le tour du bateau est vite fait: un restaurant, un bar/café, un night-club karaoké, deux boutiques duty-free et c’est à peu près tout. La plupart des passagers à bord sont coréens ou russes. Concernant les touristes occidentaux, nous sommes moins d’une dizaine. Moi, deux Suisses, une Belge, un Irlandais, un Australien… Je dîne vite fait au restaurant-buffet. Pour être honnête, la nourriture n’est vraiment pas terrible. J’aurais mieux fait de faire des provisions avant de monter à bord, comme la plupart des passagers, mais je n’ai pas eu le temps. Personne qui traine au bar ou au night-club, je file dans ma cabine lire un peu avant de dormir. La mer est un peu agitée et le bateau commence à tanguer fortement. J’espère qu’on arrivera en Corée avant le typhon.
Une escale en Corée du Sud
Comme je l’appréhendais un peu, la nuit a été agitée. La météo est toujours mauvaise avant l’arrivée d’un typhon. En tout cas, nous avons accosté au port de Donghae sans encombre. Dehors, il pleut des cordes et le vent souffle très fort. Le typhon va bientôt arriver et c’est pour cela que le ferry va rester à quai pendant un peu plus de 24 heures. C’est bien entendu beaucoup trop dangereux de naviguer dans ces conditions alors il faut bien prendre son mal en patience.
Les passagers qui poursuivent jusqu’en Russie ont le choix entre débarquer et passer 24 heures en Corée ou alors rester à bord. J’hésite un peu car je ne suis encore jamais allée en Corée, mais quand je vois le temps qu’il fait dehors, je n’ai aucune envie de me retrouver complètement rincée sous le typhon et de devoir trouver un hôtel où dormir le soir. Finalement je préfère rester au sec à bord du bateau. Je ne fais pas partie des voyageurs qui font « la course au tampon » de passeport pour accumuler les pays visités telle une liste de course. Au contraire. La Corée du Sud est un pays qui m’attire beaucoup: le jour où j’irai, ce sera pour véritablement découvrir le pays, pas juste y passer 24 heures.
Je n’ai pas regretté mon choix de rester à bord, mais il faut avouer que ces 24 heures d’escale ont été bien longues et ennuyeuses… La plupart des passagers qui avaient embarqué au Japon se rendaient en Corée, donc j’ai eu l’impression d’être à bord d’un bateau fantôme. Vu la tempête dehors, impossible de sortir prendre l’air sur le pont, et à l’intérieur, tout était fermé. Pas de bar, pas de restaurant, pas de boutiques: rien du tout… Ils ont même débranché les distributeurs automatiques de bières (!?!). Heureusement que j’avais acheté un paquet de chips, une tablette de chocolat et une bouteille d’eau avant: c’est tout ce que j’ai pu avaler. Régime, sieste et lecture pour tout programme.
Une traversée sous un soleil retrouvé
C’est l’avantage des typhons: une fois qu’ils ont passé leur chemin dévastateur, ils laissent la place à un grand soleil. Comme si tous les nuages avaient été aspirés par une immense machine à laver. C’est donc sous un temps magnifique que le Eastern Dream quitte le port de Donghae le lendemain à la mi-journée. Beaucoup de Coréens sont montés à bord pour se rendre en Russie et les passagers affluent sur le pont pour assister au départ. Ca fait un bien fou de prendre l’air, profiter du soleil et regarder les côtes coréennes défiler sous nos yeux.
Mais le bateau s’éloigne assez vite des côtes. C’est une traversée un peu spéciale car nous allons passer devant la Corée du Nord avant d’atteindre la Russie. Le ferry oblique donc vers le large pour éviter les eaux territoriales nord-coréennes. Ce n’est pas le genre de frontière qu’on peut approcher. Le soir, nous avons droit à un magnifique coucher de soleil sur la mer du Japon. Pas davantage d’animation du côté du bar ou du night-club que précédemment, je me couche tôt avec un bon bouquin. Je repense tout de même aux événements de l’année passée, quand la Corée du Nord avait tiré plusieurs missiles au-dessus du Japon, entre août et septembre 2017. Les tensions se sont un peu apaisées depuis, mais je ne peux m’empêcher d’imaginer qu’il pourrait y avoir des missiles filant au-dessus de nos têtes… Mieux vaut ne pas y penser.
Une arrivée grandiose à Vladivostok
C’est le grand jour! Aujourd’hui nous allons enfin arriver à Vladivostok! C’est une ville qui me fait rêver depuis longtemps, le terminus de la ligne mythique du transsibérien. C’est le genre d’endroit où je n’aurais pas voulu arriver en avion. Cela m’aurait gâché le plaisir. C’est comme lorsqu’on atteint le sommet d’une montagne: on en profite mille fois plus quand on a marché et sué sang et eau pour arriver au sommet que lorsqu’on a pris un téléphérique ou tout autre moyen de transport. C’est seulement en voyageant par moyen terrestre ou maritime qu’on se rend compte des spécificités géographiques de notre environnement. L’avion annihile tout. On est juste téléporté d’un endroit à un autre dans une grosse boite de sardines inconfortable. Forcément c’est pratique car cela permet d’aller vite et loin, mais cela dénature beaucoup la portée et le sens d’un voyage.
On aperçoit les côtes russes dès la fin de la matinée sous un grand soleil éclatant. On n’a quand même pas du passer loin de la Corée du Nord, car Vladivostok n’est qu’à 200 km de cette frontière sensible. On aperçoit beaucoup d’îlots sauvages alors que le ferry s’engage dans la baie de l’Amour, dont le nom provient du fleuve Amour, un des plus grands fleuves d’Asie qui marque la frontière entre la Russie et la Chine. C’est avec beaucoup d’émotion que je commence à distinguer au loin Vladivostok et son immense pont à haubans. L’arrivée en bateau est grandiose et je ne pouvais pas rêver plus belle entrée dans cette ville légendaire. La traversée depuis le Japon a été un peu longue et ennuyeuse, mais quelle récompense d’assister à tel spectacle. On distingue de près la configuration compliquée de Vladivostok avec ses dizaines de collines et ses grands immeubles accrochés aux pentes. Les dômes des églises orthodoxes brillent de mille feux sous le soleil et témoignent qu’on est bien arrivé en Russie.
Le débarquement du ferry est un peu long, mais heureusement, avec mon fan-id de la Coupe du Monde qui me sert de visa je passe le contrôle frontière en vitesse express! A moi la découverte de Vladivostok et de l’Extrême-Orient russe: c’est une nouvelle aventure qui commence!
Infos pratiques sur le ferry Japon Russie:
Prix: à partir de 265 dollars pour la traversée Sakaiminato-Vladivostok (dortoir commun). Pour une cabine première classe, il faut compter 365 dollars. A noter: ces tarifs n’incluent pas les repas à bord ni même le petit-déjeuner. On peut aussi embarquer un véhicule à bord (se renseigner auprès de DBS Ferry pour les tarifs).
Conseil: compte-tenu des aléas météo, prévoir au minimum 24 heures de marge à l’aller et à l’arrivée. A l’origine, j’avais prévu d’arriver un jour plus tôt à Sakaiminato et d’y passer une nuit: heureusement, car sinon j’aurais raté mon bateau qui est parti avec 24 heures d’avances pour éviter le typhon. La compagnie prévient par email et j’ai été informée deux jours avant, donc bien vérifier ses messages tous les jours avant le départ.
Réservations et renseignements sur ce site internet.
A lire pendant la traversée: il n’y a pas internet à bord, alors mieux vaut prévoir des bonnes lectures pour occuper le temps. Pour ma part j’aime bien accorder mes livres aux destinations que je découvre. J’ai lu Vladivostok, neiges et moussons de Cédric Gras. Une lecture passionnante pour mieux comprendre cette métropole atypique et démystifier les clichés qu’on lui associe. Contrairement à ce qu’on imagine, ce n’est pas une ville du bout du monde, mais plutôt une enclave européenne improbable au beau milieu de la Chine, de la Corée et du Japon. Je l’ai d’ailleurs lu deux fois: une fois à bord du bateau avant d’arriver, et une deuxième fois à bord du transsibérien, en route vers Moscou (là aussi mieux vaut prévoir des bons bouquins!). Publié en 2012, la ville a tout de même beaucoup changé depuis… Ceux qui ont été à Vladivostok il y a quelques années auraient du mal à la reconnaître aujourd’hui je pense.
Laurent
C’est clair que c’est une tout autre émotion que de descendre d’un avion d’arriver ainsi par bateau, tout doucement, en apercevant la côte au loin.
Je garde un souvenir des fois où ça m’est arrivé, alors que l’avion, à par les premières fois, quel ennui !
Nadezda
Quel magnifique voyage !
Noho Travels
Super interessant cet article, je ne savais absolument pas qu’un ferry relié le Japon à la Russie !
J’en prends note pour mon potentiel voyage à Hokkaido.
Merci!
Heureuse journée
Arnaud