Ce vendredi 11 décembre, j’embarque à bord du ferry Navimag à Puerto Montt, Nord de la Patagonie, direction Puerto Natales, Sud de la Patagonie. Au programme: quatre jours de bateau à travers les fjords, au pied des glaciers et des volcans enneigés.
Mais attention, on n’est pas sur Costa Croisières… Navimag est avant tout une compagnie de transport de marchandises, qui a bien compris le filon touristique que pouvait représenter une croisière un peu rustique. Installation rapide dans les dortoirs (beaucoup plus confortables que ce que je m’attendais, avec des petits rideaux à chaque couchette pour préserver son petit chez soi), découverte de la grande salle de réfectoire, du café-bar-salon plutôt cosy, puis bain de soleil sur le pont en attendant le grand départ.
Rencontre avec mes premiers compagnons de traversée. Il y a là Marc et Flo, jeune couple en voyage pour six mois en Amérique latine, Benoît, en vacances au Chili avec un projet de tour du monde dans le coin de la tête… Et beaucoup d’autres que je vais rencontrer au fur et à mesure. Alban et Pauline, tout jeunes mariés en lune de miel, Amélie et Madeline, en vacances longue durée, Gérard, le doyen de la bande, qui continue de parcourir en solo notre belle planète avec ses 69 printemps… Bon, ça fait pas mal de Français tout ça… Mais y a aussi Paul, mon voisin de couchette américain, Sophie et Bart, couple d’Australien qui font le tour d’Amérique latine en un an, Paul, un quadra danois aventurier qui a roulé sa bosse aux quatre coins du monde, Francisco, le seul passager Chilien, qui convoie son camion sur le ferry… Le plaisir d’une traversée comme celle-là tient avant tout dans les rencontres que l’on fait à bord, et de ce côté là, j’ai été servie.
Et c’est parti pour quatre jours de navigation. C’est finalement bien agréable de se laisser porter par la vie de bateau. Lever à 8h pour tout le monde au son des sirènes, petits-déjeuners, déjeuners et diners collectifs à la cantine… Y a juste à mettre les pieds sous la table. Pas besoin de devoir tout le temps se poser les mêmes questions: je mange où ? je dors où ? je fais quoi ?… Et c’est bien reposant.
Par contre, coincés sur un bateau, il faut bien trouver à s’occuper. Côté animations, l’équipage se foule pas trop, alors il faut en trouver nous-mêmes. Parties de cartes autour d’une bonne bière, discussions animées devant nos plateaux-repas, soirées sans fin arrosées au vin chilien en brique Tetra pack… Mais la journée, on peut pas rester trop longtemps le nez au vent sur le pont du bateau, car en général, ça caille grave… Du coup, je me réfugie dans la cabine de pilotage, où mes rudiments d’espagnol et mon meilleur sourire me permettent de sympathiser avec le capitaine. « Ah, francesa…? Ah, la mano de Henry…. » A peine la conversation entamée, et ça y est, on parle déjà football… Quel succès ce Thierry Henry! Son « exploit » fait en tout cas beaucoup parler les Chiliens (c’est pas la première fois qu’on m’en parle…). Et ici, loin de l’auto-flagellation française, ils trouvent ça plutôt bien joué. En gros, on peut faire des fautes, et si l’arbitre ne les voit pas, et bien c’est bien joué… Et quand en plus je lui raconte que je vais aller voir la Coupe du Monde de Foot en Afrique du Sud, alors là, il devient intarissable… J’ai gagné ma côte de popularité auprès du capitaine, et j’ai droit à une explication détaillée du tableau de bord, des différentes commandes, du sonar, des radars… Et même… suprême récompense… le droit d’actionner la sirène du bateau!! Toooonnnnt!! Toooonnnnt!! Ah la la, je suis une vraie gamine, mais qu’est-ce que c’est bon…
Et quand le capitaine se repose, c’est Gustavo, son second, qui est aux commandes. Super cool lui aussi. Et francophile… il a même déjà été à Paris. Tout content, il me montre qu’il a un CD d’Edith Piaf… Et voilà le magnifique « Hymne à l’amour » qui résonne dans la cabine de pilotage. « Le ciel bleu sur nous peut s’effondrer, Et la terre peut bien s’écrouler, Peu m’importe si tu m’aimes, Je me fous du monde entier… » Et Gustavo m’entraîne aussitôt dans quelques pas de tango… Tiens, petite aparté, ça pourrait devenir un des fils rouges de mon tour du monde: danser le tango dans un maximum d’endroits insolites… A Santiago, j’avais eu droit aussi à quelques pas de danse avec un boucher dans son échoppe… Sur ce, y a Amélie qui débarque dans la cabine de pilotage, elle aussi bien copine avec ce cher Gustavo… Pour le plaisir, on se repasse en boucle l’ « Hymne à l’amour » tout en chantant à tue-tête dans toute la cabine. Et là, on a une idée marrante. « Oh Gustavo, est-ce qu’on pourrait brancher le micro et chanter dans tout le bateau ? Por favor, por favor….» qu’on lui demande avec nos deux plus beaux sourires. Mais non, Gustavo il est pas d’accord. Pas possible, on n’a pas le droit. Pfff… Un peu déçues, mais bon, tant pis, on continue à chantonner pas très loin du micro… Et Paul, notre pote Danois débarque lui aussi dans la cabine et vient nous voir discrètement: « Mais c’est vous qui chantez comme ça, on vous entend dans tout le bateau… » Incroyable!! En fait le micro était branché sans qu’on le sache… Du coup l’occasion est trop belle. Cette fois-ci on se place tout près du micro et on chante à fond les ballons… « Peu m’importe les problèmes, Mon amour puisque tu m’aaaiiiimeuuhhhhh…. » On s’en donne à coeur joie… Mais pas pour longtemps. Y a Marcello, l’animateur-responsable des passagers qui arrive en trombe… « Mais qu’est-ce qui se passe ici, on vous entend chanter dans tout le bateau »… Oups…. On est démasquées. Et Gustavo il est pas très content. Il nous regarde un peu de travers. Faudrait pas non plus qu’il imagine qu’on lui a sciemment désobéi en branchant nous-mêmes le micro… On a juste profité innocemment du fait qu’il était déjà en marche par inadvertance… Bon allez, deux beaux sourires et on est déjà pardonnées… C’est pas si grave que ça quand même…
Bon, sur ce, faut pas oublier non plus les paysages magniques, l’escale à Puerto Eden, le port du paradis, magnifique village complètement perdu au milieu de nulle part, les glaciers que le bateau vient presque effleurer. Et aussi la houle. Le deuxième jour, passage dans un bras de mer qui secoue pas mal. L’équipage rappelle bien à tout le monde l’heure à laquelle il faut prendre son petit cachet pour ne pas avoir le mal de mer. J’hésite un peu, mais ne sachant pas trop si j’y suis sensible ou pas, vu que j’ai jamais trop navigué, je préfère finalement attendre de voir comment ça se passe. Et bien m’en a pris, car le tangage, moi j’ai trouvé ça complètement génial!! Trop marrant de se percuter contre les cloisons en marchant dans les coursives. Trop drôle de voir les plateaux-repas valdinguer à la cantoche. J’avais l’impression d’être dans une attraction d’Euro-Disney. Avec Benoît, on improvise même un concours de celui qui arrive à rester le plus longtemps sur un pied sans se pêter la gueule… Bon, on tient pas très longtemps, mais qu’est-ce qu’on se marre… Et aussi – bon je reconnais c’est pas très sympa – mais c’est très rigolo de voir les têtes complètement décomposées de ceux qui tentent malgré tout de faire bonne figure… avant de s’éclipser en trombe pour aller gerber par-dessus bord… Et quel bonheur de se coucher,
bercée au rythme des vagues… On se croirait dans un hamac qui se balance tout seul… C’est la déception quand je me réveille au petit matin alors que la mer est redevenue toute calme… Dommage que ça soit déjà fini.
Lundi 14 décembre. C’est déjà malheureusement le dernier jour. Pour clôturer cette petite croisière en beauté, j’ai demandé au capitaine si c’était possible de pouvoir visiter la salle des machines. Permission accordée, et j’entraîne avec moi Marc, Flo et Alban. Casques de chantier vissés sur la tête, on descend dans les profondeurs du bateau, pour se retrouver sous le niveau de la mer. On abandonne les casques pour les protections auditives et nous voilà dans le cœur vivant du navire. Un enchevêtrement pas possible de tuyaux de toutes les couleurs, jauges, turbines… et autres appareils dont je connais pas le nom. L’odeur de fioul nous prend à la gorge, il fait une chaleur à crever, et même avec les oreilles protégées, le bruit est impressionnant. Quel enfer ça doit être de travailler là-dedans plusieurs heures… Et j’imagine même pas quand la mer est démontée… Ca fait du bien de remonter ensuite à la surface et de respirer de grandes bouffées d’air frais.
Mais c’est aussi malheureusement l’heure de faire nos paquetages pour le débarquement à Puerto Natales. Le capitaine m’a bien proposé de faire le trajet retour (gratos bien entendu… ), mais bon, ça m’arrange pas trop pour la suite de mon voyage. Mon objectif c’est d’aller droit au Sud pour découvrir la Patagonie, pas de remonter vers le Nord. Prochaine étape: trekking dans le mythique parc national de Torres del Paine, un des plus beaux du Chili…
Benoît
Bon et Torres del Paine !!?? Où qu’c’est y qu’il est le parc du paradis pour les yeux ?
Labizz de France
Benoît
Sarah
je sais, je suis super à la bourre… et là, avec tout ce que j’ai a raconter sur l’antarctique… mais t’inquiètes, ça finira par arriver, bises d’Argentine
dlkdomi
votre reportage me fait revivre ma propre « éxpédition » en Patgonie jusqu’à Ushuaïa et le Cap Horn via le canal de Beaggle.merçi
Matthieu
La croisière ce n’est pas du tout une partie de plaisir. Cela demande beaucoup de résistance et de volonté.